APRES LA SCISSION DE TOURS
 
l'un des 32 rapports rédigés par le Commissaire de police de Blois sur les réunions internes du parti communiste (section de Blois et fédération du Loir-et-Cher)
 
En décembre 1920, au moment du Congrès de Tours, le Parti Socialiste comptait 747 adhérents en Loir-et-Cher [Ferrisse-Mémoire de Maîtrise-1971] répartis en 16 sections. 1920 avait été, dans la foulée des mouvements sociaux, même défaits, une année de fort recrutement puisque un an plus tôt, le 31 décembre 1919, le parti n'avait que 360 membres. Le Progrès de Loir-et-Cher -"Organe hebdomadaire de la Démocratie Républicaine et Sociale du Département sous le contrôle du Parti"- faisait fièrement état, semaine après semaine, des créations de section: à La Ferté-Beauharnais, en janvier, Mer et Contres, en février, Selles-sur-Cher, en mai...
 
La scission de Tours brise ce dynamisme. Au premier Congrès fédéral qui suit (6 février 1921), le nombre d'adhérents tombe à 500. Dans la tourmente des affrontements, un grand nombre de sections se déchirent. Les majoritaires, partisans du bolchevisme, conservent sept sections (Villiers, Romorantin, Saint-Aignan, Lamotte, Mondoubleau, Saint-Hilaire, Montrichard) et en partagent deux avec les adversaires de l'adhésion à la 3ème Internationale, désormais considérés comme  "dissidents" (Blois et Contres) [Ferrisse].
 
Mais l'hémorragie militante ne tarde pas à vider ces sections de leur substance, au profit parfois de la "Fédération socialiste" (la SFIO): la section de Montrichard, par exemple, ne comptait, fin 1920, que 5 "dissidents"; quelques semaines plus tard, une vingtaine d'adhérents les rejoignent, sous l'influence d'un anti-bolcheviste décidé, Bled. [Ferrisse-1971]

 
  
A défaut de pouvoir consulter des archives communistes ou socialistes, qui indiqueraient peut-être le détail de cette évolution pour l'ensemble du département, on dispose des rapports de police, qui visaient justement à mesurer le poids des uns et des autres.
 
Rien, actuellement, ne figure aux Archives Départementales du Loir-et-Cher (ADLC) sur l'organisation du parti socialiste SFIO. Le parti communiste, lui, a fait l'objet d'une surveillance étroite : d'avril 1921 à décembre 1924, 32 réunions internes (22 pour la section de Blois et 10 congrès fédéraux) sont décrites par des rapports de police. On doit, bien entendu, utiliser cette source unique avec précaution. Rien n'indique toutefois que le  rédacteur -le commissaire de police de Blois- déforme  sciemment les faits. Comme telle est sa fonction, il semble même le plus souvent soucieux de retranscrire les propos tenus par les militants, qu'il nomme pour quelques uns. (voir: Archives )
 
En tout cas, on ne note dans ses rapports aucune volonté de gonfler le nombre de personnes présentes aux réunions, alors que les circulaires, notes confidentielles ou télégrammes chiffrés ministériels s'alarment souvent de prétendus développements d'un mouvement révolutionnaire dans le département (voir ci-contre). Si l'on doit, parfois, prendre de la distance avec les rapports préfectoraux, susceptibles de "lisser" la réalité pour la conformer aux désirs ministériels, il est plus aisé de prêter crédit aux Commissaires dont l'autorité attend  l'exposé de faits sans complaisances. En d'autres termes, les policiers n'ont aucun intérêt à dissimuler ou amplifier un phénomène s'ils veulent préserver leur crédibilité.
Avant que le parti français soit "bolchevisé", à partir de 1923, le nombre d'adhérents est une vraie obsession pour les communistes loir-et-chériens. Les thèses de Lénine sur la primauté de la cohésion et de la soumission militante au "centre", pourtant réaffirmées -sans ambiguïté par la 12ème condition d'adhésion à la IIIème Internationale, mais plus modérément dans la Résolution de Tours- semblent méconnues des adhérents blésois, continuateurs en cela de la tradition socialiste non-blanquiste.
A Blois
 
"Il nous faudrait être au moins un mille pour faire quelque chose " , constate un militant blésois, employé du tramway. On est loin du compte, à en croire les rapports du commissaire de police. Comment apprécier le nombre d'adhérents ?
 
Accordons  aux rapports de police un minimum de fiabilité sur ce point. Jusqu'à l'été 21, une vingtaine de personnes sont présentes aux réunions de la section de Blois (moyenne : 18 pour 5 réunions). Au cours des six mois suivants, la fréquentation chute de moitié (moyenne : 10 pour 8 réunions). En 1922, ils ne sont le plus souvent que 8 à se réunir -quand le rendez-vous n'est pas annulé, faute de participants. De bi-mensuelles, les réunions sont devenues mensuelles, puis épisodiques (7 réunions pour l'année entière). En 1923, la surveillance policière ne porte plus que sur les congrès fédéraux : ce constat en dit assez sur l'état de la section de Blois
Dans le reste du département
 
Ce n'est guère mieux dans les autres sections représentées aux congrès départementaux .
 
Au délégué blésois déclarant dramatiquement que "la section se meurt", répondent les Saint-Aignanais qui affichent la perte de la moitié de leurs adhérents (réunion du 18 décembre 1921). L'optimisme des délégués de Romorantin, annonçant "une section en progrès", est largement tempéré par l'aveu de la réalité : il n'y a pas d'adhésions. Plusieurs sections n'envoient aucun délégué aux congrès, parfois sans explication. En avril 1922, le secrétaire fédéral "blâme" la section de Saint-Aignan pour son absence ; or, maire de Saint-Romain,  il est lui-même adhérent de cette section ! Voilà qui donne une idée de la dislocation de l'organisation tout à fait éloignée de la rigueur bolchevique.
 
Alors combien ?
  
24 décembre 1921 (rapport du Commissaire de police de Blois au Préfet - ADLC-4 M 222)
Données du ministère
 
Le premier nombre global apparaît dans la note -inquiète- reproduite plus haut (ADLC-4 M 222), du Ministère de l'Intérieur (Direction de la Sûreté Générale-Contrôle général de la police administrative), datée du 9 décembre 1921. Note intéressante parce qu'elle annonce l'attitude constante du pouvoir central vis à vis du mouvement communiste : volonté "d'être renseigné aussi exactement que possible sur le mouvement communiste à l'intérieur du pays", exigence de surveillance étroite des "moyens d'actions", en particulier la presse, et ...surestimation de l'appareil et de l'influence communistes.
 
En l'occurrence, la note ministérielle fait état d'un "document publié par le Parti Communiste" (les majuscules sont du ministère) qui annonce pour le Loir-et-Cher un doublement des effectifs militants en un an, de 420, en octobre 1920, à 800, en octobre 1921 (voir la note ci-dessus). Remarquons au passage que la Sûreté Générale est capable de dénombrer en octobre 1920 des communistes qui n'existeront en tant que tels que trois mois plus tard, à l'issue du congrès de Tours, à moins qu'elle classe ainsi tous les membres du parti socialiste, tenant pour acquis leur ralliement unanime à la IIIème Internationale. Reste le nombre, supérieur à tout ce qu'a jamais compté le mouvement révolutionnaire en Loir-et-Cher.
La réalité locale
   Vue du préfet
 
Comme il le fera chaque fois, le préfet consulte les 2 sous-préfets et le commissaire de police de Blois. Réponses concordantes.
 
A Blois, où les dirigeants communistes eux-mêmes qualifient la section de "fantôme", les adhérents sont passés de 27 à 16 en un an et les réunions ne se tiennent pratiquement plus. A Vendôme, les réunions internes ne concernent qu'une vingtaine de personnes. A Romorantin, le sous-préfet ne cite aucun chiffre mais affirme que "les idées extrémistes ne sont pas accueillies avec faveur" en Sologne, ce que confirment, on le verra, les consultations électorales.
 
Quant à la presse communiste, sa diffusion est restreinte (40 exemplaires de l'Humanité à Vendôme) ou nulle ("La Voix paysanne" n'est diffusée nulle part dans le département et les 4 exemplaires reçus à Blois par la "bibliothèque de la gare" restent en kiosque).
Vue de l'intérieur
 
En avril 1922, Silvain Chevet, secrétaire fédéral, annonce aux 25 délégués des sections présentes que la fédération compte "environ 300 membres". Le nombre est plus raisonnable que celui annoncé par la Sûreté générale mais il est sans doute encore surévalué puisqu'au mois de septembre suivant, on ne compte que 153 abonnés au futur journal inter-fédéral, "L'Avant-Garde". D'ailleurs, en janvier 1923, Chevet constate une diminution de 40 % des effectifs en un an.
 
Ainsi, au moment où la défaite des "réformistes" au sein du parti, au niveau national, ouvre la voie à sa "bolchevisation", la fédération de Loir-et-Cher est au plus bas. 8 délégués seulement participent au congrès fédéral. La désagrégation est encore soulignée par l'absence, excusée ou pas, de 6 sections sur les 11 existant théoriquement. Certaines sont d'ailleurs vidées de leurs adhérents, comme Montoire, où il n'en reste que 3.
Deux ans après la naissance du parti, le tableau est donc sombre et le découragement des derniers militants à la mesure de ce bilan.
 
Achève alors de se forger l'esprit d'assiégés qui facilitera la mutation bolchevique. "Camarades, nous n'avons plus d'amis, nous sommes réduits à nous-mêmes (…) A Lamotte-Beuvron [les francs-maçons] nous ont trahis…", fait dire, dès juillet 1922, le remplaçant du commissaire de police de Blois à un des 8 "assistants " au Congrès fédéral. Un instituteur déplore que sur 800 "maîtres d'école", 33 seulement soient communistes.
 
Paradoxe ? La faiblesse extrême à laquelle ils ont été "réduits" nourrit en eux une volonté farouche de ne pas "laisser le parti mourir" et des rêves de revanches : "attendez camarades que nous ayons notre journal, nous verrez comment on leur répondra…". "Les mesures de persécution qui lui enlèvent tous ses meilleurs éléments", comme le dit Henri Sausset, secrétaire de la section de Blois en 1924, achèvent de priver les communistes d'espace politique mais fournissent à ceux qui, en dépit de tout, restent adhérents, un supplément de ténacité inébranlable : après l'effondrement de 1921, la fédération loir-et-chérienne conserve un noyau d'adhérents, certes faible, mais que la bolchevisation durcit et stabilise autour de militants fidèles.

décembre 1920 février 1921 avril 1922 janvier 1923 juin 1930 juillet 1932
nbre d'adhérents747500300180300240
[Ferrisse pour le nombre de 1920 ; rapports de police (4 M 222) pour les autres]
 
La population du Loir-et-Cher est passée de 251 000 habitants au recensement de 1921 à 240 000 à celui de 1936. La "densité communiste" loir-et-chérienne (de 2 à 1 pour 1000 habitants) est donc très inférieure à celle des départements du nord, de la région parisienne, méditerranéens ou même du centre (plus de 5 pour 1000). [carte dans Courtois-Lazar, Histoire du Parti communiste français, PUF, 2000 , d'après Philippe Button, dans la Revue "Communisme" n° 7, 1985]
 
Quels regards portent sur cet affaiblissement les autorités et les communistes eux-mêmes ?
 
Pour les sous-préfets et préfets successifs, la cause est entendue : l'idéologie révolutionnaire est certes exécrable  et on ne saurait la prendre à la légère, mais ceux qui la propagent en Loir-et-Cher ne présentent aucun danger en raison de leur isolement dans la population et de leur médiocre encadrement.
 
Ce dernier point leur semble d'ailleurs primordial. Ces hauts fonctionnaires sortis des meilleures écoles de la République ne conçoivent pas  que des ouvriers de formation primaire puissent exercer une influence quelconque sur la société. Ils s'inquiètent un peu plus quand des militants diplômés de l'enseignement secondaire ou supérieur tiennent le drapeau communiste, comme ce commis de l'Assistance Publique de Blois ou ce professeur de philosophie au collège de Romorantin. Selon le préfet, le parti communiste de Loir-et-Cher "n'existerait plus si deux fonctionnaires ne lui donnaient pas une certaine vitalité".
 
D'où la volonté de sanctions contre Robert Lavau et Gustave Giraudet , et leur déplacement. D'où aussi la surveillance des instituteurs, spectaculairement marquée, à la fin des années 20, par une perquisition à l'Ecole Normale d'instituteurs de Blois. Il faut noter également de sensibles différences d'appréciations entre l'administration préfectorale et celle de l'Education Nationale, celle-ci peu soucieuse d'affronter les différents corps enseignants, lesquels resserrent leurs rangs quand l'un des leurs est attaqué par le pouvoir politique. Lors des "affaires" Giraudet et Crespin, les Inspecteurs, primaire et d'académie, temporisent, au grand déplaisir du Préfet (par exemple, notes des 27 et 31 janvier 1923 au Cabinet du Ministre de l'Intérieur).
 
Cette faiblesse persistante du communisme loir-et-chérien, on l'a vu, désespère les militants fidèles. Comment l'expliquent-ils, alors même qu'ils conservent intacte la conviction  d'avoir raison? Au fil des réunions, trois causes sont avancées, une, majeure : leur propagande est insuffisante, deux, seulement esquissées: ils manquent de cadres efficaces et la répression joue contre eux le rôle de repoussoir.
 
Les 3 pages du rapport policier pour la réunion interne ("privée") de la section de Blois du 30 juin 1921.

La réunion, remarquablement brève (1 heure 15), ne comporte aucun contenu politique. Si elle suit l'ordre indiqué par le rapport, on s'aperçoit qu'elle dérape très vite vers des affrontements de personnes sans lien avec une orientation politique. Les opinions s'effacent derrière les comportements et la discussion tourne à la "réunion d'ânes", comme le dit Miard (qui sera brièvement Secrétaire Fédéral, avant de devenir cafetier à Vendôme et d'abandonner le parti).

La scission a eu lieu 6 mois plus tôt et loin des débats entre "gauche" et "centre" qui agitent le parti au niveau national, les adhérents blésois s'affrontent sur des comportements individuels: à l'un est reprochée sa violence verbale, à l'autre son style de vie. L'ambiance délétère qui règne dans le groupe transparaît dans les répliques attribuées par le commissaire.

Délégué de la fédération du Loir-et-Cher au congrès de Tours, Camille Va... semble concentrer sur sa personne toutes les rancoeurs d'un groupe affaibli et qui s'efforce de trouver des causes à sa faiblesse non dans le fond de ses propositions mais dans la forme de sa propagande. Le policier-rédacteur ignore sans doute les inimitiés préexistantes et ne note qu'une chose: c'est parce qu'il est jugé trop paresseux dans sa vie privée et dans sa vie militante, qu'il est exclu en octobre 1921. En somme, cette exclusion nous en apprend plus sur l'état d'esprit de ses contempteurs que sur ses supposées faiblesses politiques.
 
La propagande
 
Le thème de la propagande domine la plupart des réunions jusqu'en 1923. "Pour avoir des adhérents, résume un délégué de Montrichard en mai 1921, il nous faut quelqu'un qui par ses fonctions puisse se déplacer facilement et nous amener des hommes". Il faut des "réunions publiques pour faire comprendre à la masse l'utilité et les avantages du communisme". Aucun doute n'est alors exprimé : seule une information insuffisante empêche des adhésions nombreuses.
 
Pas une seule réunion au cours de laquelle seraient examinées les circonstances sociales ou politiques qui créent des obstacles à l'adhésion de la "masse". A peine si un adhérent fait remarquer, contre la 5ème condition d'adhésion à la IIIème Internationale (non reprise, il est vrai, par la Résolution du Congrès de Tours), qu'il vaudrait mieux ne pas envoyer de propagandiste dans les campagnes : "il s'y ferait casser les reins". Mais cet adhérent est plusieurs fois noté "pris de boisson" par le commissaire-rédacteur, et d'ailleurs ses camarades le traitent de "parle à vide", avant qu'il claque la porte de la section de Blois…
 
La même certitude les anime lors des discussions sur la presse.
Majoritaires à Tours les communistes ont conservé pour eux le siège et le journal "L'Humanité". Blum voulait "garder la vieille maison" mais, en deça de la métaphore, c'était une formule de congrès : en réalité, la "vieille maison" est passée naturellement entre les mains des vainqueurs. La fédération loir-et-chérienne, elle, ne possédait rien, sinon un compte, vite à sec.
 
Le journal militant était alors Le Progrès du Loir-et-Cher, créé au XIXème siècle, puis après cessation de sa parution, refondé sous forme d'une société par actions, en particulier par des Vendômois -c'est d'ailleurs à Vendôme qu'il était imprimé et où résidait son rédacteur en chef, Alfred Péricat . Séparé organiquement du parti socialiste, il n'était normalement pas affecté par la scission intervenue au Congrès de Tours. Il continua d'ailleurs de publier des articles de rédacteurs SFIO et SFIC (nom pris par l'organisation au 1er janvier 1922).
Congrès fédéral - 18 décembre 1921 - Rapport au Préfet du Commissaire de police de Blois (ADLC-4 M 222) ["il" désigne un "délégué de Romorantin"]
Mais bien entendu, dans le climat de haine réciproque, chacun des deux partis souhaitait faire main basse sur le journal. Pour les communistes, c'était même une nécessité, inscrite dans la 1ère des 21 conditions d'adhésion à la IIIème Internationale, reprise dans la Résolution du Congrès de Tours.
 
D'une part Le Progrès portait une charge symbolique forte : c'était "le" journal des socialistes. "Notre vieux Progrès" dit d'ailleurs, avec tendresse, Silvain Chevet . D'autre part, malgré une diffusion limitée (2500 exemplaires dont 1800 par abonnement), c'était l'un des trois organes d'information de gauche du département (avec "Le Nouvelliste", créé par Paul-Boncour, et le radical-socialiste "Républicain"). Le posséder, c'était se rendre maître de la si désirée propagande.   

                                       Chimères ...
   
Comme son rédacteur en Chef, Alfred Péricat, herboriste aisé sinon fortuné à Vendôme, et 32 des actionnaires étaient communistes, ces derniers ne doutaient pas qu'ils feraient du Progrès leur organe exclusif. Gaston Coudière connaît un homme, qu'il ne peut "faire connaître maintenant", prêt à lui prêter 7000 Francs. Le "camarade Lantenant" [ancien entrepeneur fortuné et vieille figure historique de la gauche vendômoise] prêtera la même somme et on trouvera bien "le reste, 10 à 12000 Francs "... Notons pour apprécier la solidité de ces projets, que, quelques mois plus tard, le Trésorier fédéral fera état d'un reliquat de caisse de 98 francs.

Une semaine après l'exposé du secrétaire de la section de Blois, le congrès fédéral du 9 avril 1922 met au point la manœuvre pour s'emparer de la majorité au sein de l'association-propriétaire. Les actionnaires communistes seront démarchés par des militants, on empruntera 10 000 Francs au Comité Directeur (on ne dit pas encore Comité Central) pour racheter la totalité des actions et on fera souscrire les adhérents, chaque action ne valant que 25 francs.  La manoeuvre paraît bien chimérique dans un parti disloqué, mais il est frappant de constater qu'elle reste très "légaliste", en somme, très loin du coup de main révolutionnaire grâce auquel la détermination d'une minorité très organisée l'emporterait sur des réformistes supposés inconsistants.
   
Remarquons qu'au même moment, les dirigeants nationaux, ayant regroupé les petites fédérations pour constituer des groupements plus solides, s'efforcent de créer une presse régionale propre au parti, comme le lui ordonne l'Exécutif de l'Internationale. Mais les communistes loir-et-chériens -singulièrement Chevet, plus âgé que les autres - appartiennent  encore à la vieille culture socialiste : les initiatives centrales ne sauraient faire disparaître les locales.
  
                                                                              ... et défaite

 
De l'autre côté de la fracture de Tours, une autre figure locale est à la manœuvre : Louis Besnard-Ferron, viticulteur aisé de Villiers-sur-Loir, conseiller général du canton de Vendôme,  Secrétaire fédéral de l'ancien parti socialiste et co-listier de Silvain Chevet aux élections législatives de 1919. Et l'emporte. Le sous-préfet de Vendôme en informe le Préfet le 23 mai 1922 : 2 jours avant, le "parti communiste a été exclu du Conseil d'Administration" au cours de l'assemblée générale par 92 voix contre 49, et Besnard-Ferron est devenu gérant du journal. Adieu donc Le Progrès, qui passe au service exclusif des anciens frères devenus ennemis de la SFIO.
 
De cette grave déconvenue, il ne sera plus question : les rapports de police rendent compte des échanges sur les journaux à créer, ou créés, dans la région, mais du Progrès, plus.
 
Ce silence a un sens : en perdant Le Progrès, les communistes locaux ont vu se rompre l'un des derniers fils qui les rattachait à la tradition et à la société socialistes locales. Lorsque les directives de l'Internationale les contraindront, quelques mois plus tard, à rompre individuellement avec la Ligue des Droits de l'Homme et la franc-maçonnerie, ils auront alors vraiment tourné la page d'une certaine fraternité de combat : "nous n'avons plus d'amis", la phrase de ce communiste lamottois prend tout son sens.
 
Les bases sont posées, sinon déjà d'une contre-société, du moins d'une communauté séparée.
 
Les conférences

La certitude de mener le "bon" combat, de proposer les "bonnes" solution, en nourrit une autre : si la masse n'adhère pas spontanément au communisme c'est qu'elle n'est pas informée. C'est là encore une vision peu léniniste, pour qui la prise du pouvoir par le parti précède et favorise la prise de conscience par le prolétariat de son exploitation et par là lui donne la force d'y mettre fin.

Tel n'est pas le mode de raisonnement des premiers communistes loir-et-chériens : il s'agit toujours de "faire comprendre à la masse l'utilité et les avantages du communisme" (27 mai 1921 - réunion de la section de Blois). Et même si les premiers militants ne sont pas des démocrates (au sens radical-socialiste du mot) et doutent de l'utilité du suffrage universel, ils conservent la conception jaurésienne de révolution pacifique. Non à l'insurrection, a écrit Gustave Giraudet dans son opuscule "ce que nous pensons…". Il y a ambiguïté bien sûr puisque le même ouvrage ne cache pas sa défiance du combat électoral. Mais les militants s'accommodent d'une sorte de 3ème voie : la victoire par la grève générale débouchant sur la prise de pouvoir par les seuls travailleurs puisque qu'il est entendu que les "bourgeois" ne font pas la grève, eux.

Le préalable à tout cela, c'est le recrutement de militants qui, suffisamment nombreux, faciliteront la propagande auprès de la "masse". Cette mécanique révolutionnaire est présente à chaque réunion interne jusqu'en 1923. Le congrès du 24 juillet 1921, par exemple, propose de faire "une propagande intensive en vue de recruter le plus possible d'adhérents". Et même s'il s'agit ici de l'expression propre du policier (le remplaçant du commissaire, en congé, moins précis que son patron), on peut penser qu'elle traduit correctement les préoccupations des 15 congressistes. 
  
A la recherche d'un conférencier

Peu assurés de leur parole et sans doute de bien posséder leur sujet, les loir-et-chériens, et en particulier les Blésois,  ne proposent qu'une seule solution : faire venir un délégué et organiser des "conférences" partout. Mais 1921 passe et Paris n'envoie toujours pas de "conférencier". "Le comité directeur se fout de nous", fulmine un militant qui se demande pourquoi on ne leur envoie ni argent ni conférencier. Il faut ici citer la réponse de Gaston Oudine, un des responsables de la section de Blois, du moins telle que la transcrit le commissaire : "Ah ! oui, parlons-en d'un conférencier ! La seule fois que le Comité Directeur nous a envoyé un conférencier pour une réunion qui devait se tenir salle Picard au Café de l'Agriculture, nous étions 4 ! Vous entendez bien, 4 !"  (réunion du 19 avril 1922).
 
Voici donc que  les militants, qui assistent, de moins en moins nombreux, aux réunions de la section de Blois -et c'est sans doute la même situation dans le reste du département si l'on se fie à la maigre participation aux congrès fédéraux -, prennent conscience que les difficultés de recrutement ne tiennent pas à la seule absence de propagande. "Pour tenir une réunion de ce genre, fait remarquer un militant, selon le commissaire, il n'y aura pas assez de monde" Et d'ailleurs, ajoute-t-il, "ce serait se rendre ridicule et ce serait trop onéreux ".
 
                                      De la lassitude...
 
En même temps que le doute, la lassitude s'est emparée des fidèles. Conscients, quoi qu'ils affichent, que la "masse" ne les suit pas, un an après le Congrès de clarification de Tours qui devait assurer l'essor du communisme en France, ils retrouvent le sort de toute minorité. 

                                                                       ... à l' irréalisme

Les voilà oscillant entre l'irréalisme et la résignation, le tout sur fond de querelles, de dénonciations, de menaces d'exclusion.
 
On les a vus assurés de prendre le contrôle du "Progrès de Loir-et-Cher" quand la réalité de leur minorité au sein de l'association aurait dû les inciter à la prudence. En janvier 22, il est question de monter une librairie, rue du Commerce à Blois, pour y vendre les journaux et les brochures communistes...  Même l'un d'entre eux, le vieux militant Eugène Trouvé, fidèle parmi les fidèles, les rappelle au bon sens : "Pourquoi parler de choses qui ne peuvent se réaliser ?".
 
Autre débat classique dans les mouvements minoritaires : le prix de l'adhésion. Le dilemme est bien posé par un instituteur de Montoire : le prix de la carte est trop élevé [12 F à cette époque]. Le commissaire cite ses paroles (12 février 1922) : "Le prix s'explique si vous voulez faire des militants car vous avez besoin d'argent, mais si vous voulez faire du recrutement vous n'obtiendrez rien car plus vous demandez d'argent moins vous obtenez d'adhésions". Propos bien peu léniniste qui soulève la colère d'un autre : "Nom de dieu, il nous faut bien de l'argent ! "

Rapport du Commissaire de police de Blois sur un "Congrès fédéral" du 18 décembre 1921, réuni salle Emmanuel, rue des Trois Clefs à Blois (17 délégués représentant 9 sections).
 
L'affrontement rapporté paraît d'autant plus étonnant que les deux protagonistes ont collaboré pour l'animation de la section de Romorantin en 1920 et la rédaction d'un fascicule ("Ce que nous pensons, ce que nous voulons") paru en mars 1921. Le Commissaire cite les noms sans voir les personnes: se trompe-t-il ? Cependant, la violence des propos correspond assez bien, semble-t-il, au style de Gustave Giraudet (et non Girodet)...
 
Fernand Grenouillon est particulièrement suivi par la police: plusieurs fiches figurent dans la liasse, qui font état de son "anarchisme" (il est inscrit au "carnet B" qui les recense), de son changement de corps pendant la guerre pour "propagande révolutionnaire et libertaire ", de condamnations pour faillite et vol, mais aussi de son absence d'influence ("nullement dangereux à aucun point de vue "). Le vol (d'une baraque américaine à Pruniers) doit être relativisé: la pratique, à l'époque, n'est pas rare et ceux qui se font prendre ne se considèrent pas (ne sont pas considérés par l'opinion populaire ?) délinquants.
 
"Guère pris au sérieux", selon une fiche consacrée à la section romorantinaise de l'ARAC (Association Républicaine des Anciens Combattants), il n'en préside pas moins, en 1924, une réunion dont l'orateur national est Jacques Duclos. Sa situation vis à vis du parti communiste n'est pas claire dans les rapports policiers: indiqué exclu en 1920, il est noté secrétaire de l'Arac en 1924 et membre du Secours Rouge International en 1935, ces deux organisations étant constituées uniquement de communistes...
 
    Discordes...

L'impatience, autant que l'impuissance, échauffe les esprits. Dès juillet 1921, la mauvaise humeur tourne à l'affrontement entre les personnes. Accusations de sournoiserie, de violence, d'absence de franchise, de fainéantise, de délinquance même, constituent l'essentiel des "débats". "On se croirait plutôt à une réunion d'ânes qu'à une réunion d'hommes" fait dire à l'un des assistants le commissaire dans son rapport (voir plus haut)… Même ambiance délétère au congrès fédéral de décembre 21 : 2 délégués romorantinais s'injurient. "Assassin !" aurait dit Giraudet à Grenouillon, qui aurait répliqué : " Vous mériteriez que je vous crache dessus ! "... (voir ci-dessus)

                         et défaut de dynamisme
  
Plus profondément, l'idée progresse que la stagnation ou le recul n'est pas lié au seul défaut de propagande, même si le souci demeure constant. Les difficultés viennent également du dynamisme insuffisant des adhérents. Privés dans un premier temps de directives du Comité directeur national, lui-même largement paralysé par la lutte impitoyable que se livrent "droite", "centre" et "gauche", les adhérents loir-et-chériens en restent aux méthodes du défunt parti socialiste, plus propagandistes qu'activistes.
 
Quand il est question du 1er mai, les participants à la réunion de la section de Blois (15 avril 1921) se partagent entre le désir de manifester des uns et le penchant pour le collage d'affiches des autres. En définitive, les affiches sont confiées à l'afficheur municipal, un "vieux réactionnaire clérical" selon plusieurs d'entre eux, plutôt qu'à un autre afficheur, proche ou membre du parti, au prétexte que les emplacements du premier sont meilleurs.
 
En août de la même année, "l'inauguration de Jeanne d'Arc", comme un adhérent nomme le dévoilement de la statue de l'héroïne, occasionne des festivités organisées par la ville. Les communistes ont toutes les raisons de manifester leur opposition à une cérémonie qui, nous dit l'un d'eux, coûte 50 000 Francs, quand la municipalité refuse de venir en aide à des ouvriers brutalement licenciés sans traitement par une entreprise en liquidation. Peu importe l'exactitude des faits : la réaction communiste est à apprécier par rapport à ce qu'ils en pensent. Or, là encore, inaction : Gaston Oudine, secrétaire de la section de Blois, propose d'aller à l'inauguration "en groupe" ; mais un autre refuse car "ils se feraient remarquer"... Et le groupe, y compris le secrétaire fédéral, Abel Miard, présent à la réunion, donne raison au second : "il est décidé que chacun ira comme il lui plaira". Cette fois-ci aussi, on fera coller des affiches par le "vieux réactionnaire clérical"... 
       
Les sections du sud du département, Sologne et Vallée du Cher, sont à cette époque, il est vrai, probablement plus dynamiques. Des enquêtes de la gendarmerie de Romorantin, Saint-Aignan ou encore Lamotte-Beuvron évoquent des affiches contre la guerre qui suscitent quelque émoi. Mais, outre qu'elles sont plus à mettre en relation avec le pacifisme très anti-militariste engendré par la Grande Guerre qu'avec l'influence communiste proprement dite, elles témoignent  avant tout de l'extrême sensibilité du pouvoir aux questions liées à la défense nationale.
 
Ainsi, réunion après réunion, le commissaire-rapporteur enregistre les plaintes des militants les plus présents, leur amertume ou leur colère concernant "l'indifférence" des absents, leur incapacité, finalement, à entreprendre quoi que ce soit. Il y a dans la répétition des reproches adressés à ceux qui ne se déplacent même plus une certaine complaisance sacrificielle. "C'est dégoûtant de se sacrifier pour la classe ouvrière " dit, par exemple, le "vieux" (il a 66 ans) Trouvé. Faudrait-il voir dans le plaisir du sacrifice l'un des ressorts de ce militantisme aussi déterminé qu'apathique ?
 
25 novembre 1922 - rapport du Commissaire de police de Blois au Préfet (ADLC-4 M 222)
 
Désarroi militant...
 
Les cadres
 
La question des cadres, centrale dans un parti léniniste, a été posée dès l'origine. "Les membres du Comité exécutif [il s'agit des dirigeants départementaux du parti socialiste avant la scission] laissent tomber les camarades comme des poires cuites" affirme ainsi un adhérent, en constatant que 5 des 7 responsables ne viennent plus aux réunions (rapport de police du 15 avril 1921). Et on s'aperçoit en mai 21 que Coutanceau, le "président de la section", qui continue de recevoir les directives nationales, n'a pas transmis celles concernant le prochain congrès : il n'assiste plus aux réunions parce qu'il a quitté la région sans prévenir qui que ce soit…

L'hypothèse selon laquelle les cadres auraient rejoint la SFIO pendant que les militants de base seraient restés fidèles au parti révolutionnaire n'est qu'en partie vérifiée dans le Loir-et-Cher. Trois des quatre candidats constituant la liste socialiste unifiée aux élections législatives de 1919 ont, par exemple, adopté la position majoritaire pro-bolcheviste : Silvain Chevet, Gustave Giraudet, Gaston Tessier (ce dernier n'est plus dans le département). Et s'il est vrai que quelques-uns des animateurs connus de l'ancien parti socialiste -Grenet et Ollivier, à Blois, Bled, à Montrichard, Besnard-Féron, à Villiers, Reibel, à Selles-sur-Cher- ont refusé l'adhésion à l'Internationale communiste, plusieurs vieilles figures socialistes loir-et-chériennes l'ont acceptée: Alfred Péricat, rédacteur en chef du "Progrès de Loir-et-Cher", Georges Lantenant, ancien entrepreneur et refondateur du "Progrès" à Vendôme, ou Etienne Bouchet, instituteur à Saint-Georges-sur-Cher et actif membre de la Ligue des Droits de l'Homme.
 
Très vite, l'encadrement fait défaut, en particulier à la section de Blois. La professionnalisation des cadres, exigée par l'Internationale, ne parvient pas à se faire dans le Loir-et-Cher. Pourtant, quelques uns des militants les plus déterminés le souhaitent. Gaston Oudine, dès avril 1921, affirme qu'il "serait urgent d'avoir un permanent" et en mai, un participant au congrès fédéral redit : "il nous faut absolument un homme pour faire de la propagande ; nous arriverons bien à trouver 500 F par mois pour le payer". Rien n'y fait. D'une part, la tradition socialiste populaire est réticente ; ce militant, souvent noté "pris de boisson", n'est certes pas le plus représentatif, mais quand il lance: "Nous n'avons pas besoin d'homme de ce genre, c'est à dire d'intellectuel, d'homme à lorgnon et à canne", il exprime un sentiment sans doute partagé par beaucoup. D'autre part, et surtout, les communistes loir-et-chériens sont trop peu nombreux pour que l'appareil central leur accorde un permanent…

Absence de recrutement aidant (en 2 ans, le commissaire ne note que 4 adhésions pour Blois), il devient difficile de trouver des cadres. En mai 21, les démissions annoncées du secrétaire fédéral (Coutenceau) et de son adjoint (Gaillard) obligent à la désignation provisoire, confirmée au congrès fédéral de juillet, d'Abel Miard, employé au gaz. Pour peu de temps : en décembre, il devient cafetier à Vendôme et abandonne sa fonction (ainsi d'ailleurs, semble-t-il, que, plus tard, le parti). Il est proposé à Gustave Giraudet d'assumer la tâche mais en janvier 1922 les adhérents de Blois estiment que le secrétaire général doit habiter le chef-lieu. Peut-être, en outre, ne souhaitent-ils pas confier le poste à un professeur connu pour sa radicalité. Seulement, selon le rapport du commissaire, "les assistants reconnaissent que personne, parmi les présents, ne semble avoir les aptitudes nécessaires" (il est vrai qu'ils ne sont que 8)… En février enfin, le secrétaire fédéral est trouvé : ce sera Silvain Chevet, un viticulteur déjà maire de sa commune de Saint-Romain/Cher et qui accepte le poste sans enthousiasme excessif. Dès avril, il sollicite un remplaçant mais il devra attendre juin 1923 pour en trouver un (H. Beulin, de Blois).

La difficulté à stabiliser une direction départementale avant 1923 illustre la faiblesse de l'organisation, par ailleurs bien peu rigoureuse. On a vu, par exemple, l'étrange situation de 1921 : le Comité Directeur national correspondant avec un responsable local ayant quitté la région. Au chapitre du désordre, on peut aussi ajouter que Gaston Coudière, un militant durement réprimé par la justice et privé de son travail d'auxiliaire des postes, a consacré, selon lui, quatre jours entiers à "mettre en ordre les écritures du parti"... C'est encore Chevet qui se plaint de l'état dans lequel il a trouvé les comptes après le départ de son prédécesseur Miard. Pour l'anecdote, on signalera que le "responsable des papiers" désigné à Blois en juillet 1921 doit être changé en août, "s'étant présenté ivre à la dernière réunion"... On est ici évidemment bien loin de la 12ème condition d'adhésion à la IIIème Internationale : le "centralisme démocratique" appuyé sur "une discipline de fer".
 
Reste une dernière cause de faiblesse : la répression. Le sujet mérite une étude approfondie,  d'ailleurs facilitée par l'intense surveillance policière qui a laissé dans les archives de nombreuses traces.
 
"Je connais des camarades qui ne viennent plus au parti par crainte des représailles" déclare, en novembre 1922 au cours d'une réunion interne, un des responsables de la section blésoise, cité par le Commissaire de police. Crainte assez justifiée puisqu'à cette date, au moins trois militants ont, soit perdu leur travail, soit été déplacés. On se contentera ici d'écouter  le secrétaire de la section de Blois, (rapport de police du 11 décembre 1924): "Le parti communiste est actuellement l'objet de mesures de persécution qui lui enlèvent tous ses meilleurs éléments". Le même ajoute, toujours selon le commissaire, que "bloc national" (l'union des droites après la guerre 14-18) et "bloc des gauches" (alliance des radicaux-socialistes et de la SFIO) ont la même attitude répressive: "Le gouvernement Herriot -qui ne vaut pas mieux que celui du bloc national- fait subir au parti communiste un abus de pouvoir qui n'est rien moins que du fascisme".
 
La formule -destinée à servir bien des fois- est certes exagérée , mais elle livre l'une des clés de l'isolement communiste : si la répression prive le parti d'adhérents, elle renforce chez ses militants les plus déterminés le sentiment de différence radicale avec le reste de la société, sentiment qui achève de rendre leur pensée imperméable au doute.
 
En fin de compte, que les causes ressenties par les adhérents soient internes -défaut de propagande, carence de cadres- ou externes -répression- la situation n'est guère brillante trois ans après le Congrès de Tours. Reste à observer la réaction de la société loir-et-chérienne devant la radicalité politique des communistes.