La délibération du 15 avril 1945
 
Adieux du maire

Mes chers amis du Conseil Municipal et vous du Bureau de Bienfaisance,
               Maintenant que l'infâme occupant a été chassé de notre région, je tiens à vous annoncer que je vais renoncer à toute fonction administrative.
               Malgré le grave accident dont j'ai été victime au début de la guerre, malgré le décès de ma chère épouse, malgré mes quatre-vingt un ans, j'avais gardé mes fonctions de Maire parce que je voulais que les vexations ou les représailles que nous infligeait l'ennemi ne s'exercent pas sur un autre ou sur d'autres plus jeunes que moi et plus capables d'être longtemps encore utiles au pays.
               Le danger est écarté, de nouvelles obligations et de nouveaux travaux qui excéderaient mes forces vont s'imposer aux Maires. Un homme dans la force de l'âge devra accepter la charge que nous m'avez fait l'honneur de me confier en 1926.
                Ensemble, nous avons, avant la guerre :
               -Remis en état nos chemins vicinaux et nos chemins ruraux ; acheté une carrière qui pendant plusieurs années nous a fourni d'excellents matériaux.
               -Assuré dans les meilleures conditions l'établissement de l'électricité dans nos campagnes.
               -Résisté aux exigences de l'Administration lors du curage du Beuvron.
               -Réorganisé le service de la cantine scolaire.
               -Construit le foyer Familial.
              -fourni à la commune un équipement moderne contre l'incendie et cela sans grever d'un impôt nouveau le modeste budget de Cellettes.
               Pendant la guerre nous avons :
              -Résisté de notre mieux aux exigences de l'ennemi allemand
              -Secouru nos prisonniers de guerre et leurs familles.
              -Aidé ceux des nôtres qui se trouvaient en butte aux vexations de l'occupant.
              -Rendu service aux réfugiés selon nos moyens.
              -Préparé la construction d'un terrain de jeu scolaire et obtenu une subvention de 70 800 F que le Conseil devra employer au mieux des intérêts de la commune ; les plans sont prêts, il n'y a plus que la main-d'oeuvre pour la réalisation.
              En renonçant maintenant à toute fonction, j'ai conscience de remplir tout simplement mon devoir que tant de nos jeunes gens, dans la résistance, ont rempli eux si héroïquement, j'en sais quelque chose puisque l'un de mes petits fils est tombé au Champ D'honneur à 19 ans au mois d'août dernier.
              Je tiens avant de clore cette dernière séance ordinaire que je viens de présider, à vous remercier de votre confiance, de l'aide amicale que vous m'avez si généreusement accordées pendant mes 19 années de fonction.
              À mon tour, je vous demande de continuer à travailler pour notre cher Cellettes et pour la France, en vue de réaliser le programme du nouveau gouvernement dans le même esprit que nous avons gardé jusqu'à présent et qui est celui de notre République à laquelle vous m'avez toujours connu fidèle et à laquelle je resterai fidèle jusqu'à mon dernier souffle mes amis. Vive la France. Vive la République.
                                                                                                                                 Édouard Barbier