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Telle formule, tel slogan des
années 20, pour actuels qu'ils nous paraissent, n'en appartiennent pas moins à
une époque révolue. Les situations qui les ont inspirés et les individus à qui
ils étaient destinés sont d'un autre âge. Souligner leur actualité serait comme
évoquer le sort des paysans sous la Troisième République pour décrire le monde
rural contemporain : la part d'exactitude du rapprochement risquerait de masquer
la part considérable des dissemblances, de la même façon que l'ombre d'une clé
cache au mécanicien la vis à desserrer. Enfin, c'est l'histoire des
communistes loir-et-chériens à leurs débuts, vus par la police et, parfois, par
eux-mêmes, qui doit nous intéresser, non celle du communisme et moins encore son
procès ou sa célébration. Histoire on ne peut plus modeste, dans un département
peu doué pour les révolutions politiques et qui n'a guère connu du
communisme que des affiches et des discours!
Insistons sur ce point capital: les documents qui servent de
base à cette étude sont, pour la plupart, d'origine administrative et policière. La
presse communiste locale (inter-départemenatale dans les années 20) méritera une étude spécifique. Il
convient donc de garder à l'esprit la présence de ce filtre étroit et déformant
entre nos regards actuels et l'objet de la recherche : vus par des commissaires
de police ou des sous-préfets des années 20, les communistes loir-et-chériens
n'ont évidemment pas le même visage que vus par eux-mêmes…
Les pièces observées ont été versées aux
Archives départementales du Loir-et-Cher par la Préfecture et ce fait mérite en
soi réflexion. Seuls les mouvements communistes et anarchistes "bénéficient" donc
pour l'heure de cotes particulières. La confusion fréquente entre les deux termes
indique d'ailleurs assez le degré d'ignorance des policiers et des gendarmes en
ce qui concerne les idéologies d'extrême-gauche. Il existe bien une surveillance
plus ou moins sourcilleuse d'autres mouvements politiques, en particulier
d'extrême-droite, mais les documents les concernant sont dispersés dans tel ou
tel dossier d'élections ou d'événements divers. On voit ici à quel point les
partisans de la révolution ont concentré l'attention des autorités de la 3ème
République !
La permanence du suivi est
remarquable : du début 1921 à 1936, les rapports de police répondent aux
enquêtes du Ministère de l'Intérieur, et la Préfecture, dépositaire de la
puissance de l'État, accumule les notes. On a coutume de parler de
"contre-société" pour évoquer le monde fermé de la militance communiste. Le
faible nombre de communistes dans le Loir-et-Cher, et plus encore leur
dispersion, aurait rendu bien malaisée la concrétisation d'une telle structure.
Pourtant, du point de vue des autorités de (presque) tous bords, elle existe bel
et bien, même si, en général, elle n'est guère prise au sérieux: il convient
donc de l'observer, de l'isoler, pour, au bout du compte, l'empêcher de déborder
le cadre étroit que la loi républicaine accepte de lui consentir. Militants
communistes et autorités sont d'ailleurs d'accord sur un point : rien de commun
n'existe entre eux. Pour les premiers, le mal social commence à la sortie de la
cellule ; pour les secondes, il est à l'intérieur.
C'est à
ces regards croisés que cette rubrique va s'intéresser, avec pour seul support,
les liasses d'archives. Comment, au cours de ces années difficiles pour eux, les
communistes du Loir-et-Cher se voient-ils et voient-ils le reste de la société
? Quel regard les élites administratives portent-elles sur le mouvement
communiste, sa doctrine et surtout ses militants ?
La rupture qu'ont opérée, dans les années 30,
l'abandon de la tactique "classe contre classe", et
le retour au sein de la famille de gauche avec l' "anti-fascisme", ne
concernent plus cette rubrique : le parti communiste sort alors de son adolescence,
la phase initiale est achevée. Mais celle-ci imprègne à ce point son identité
qu'il ne pourra, au fond, jamais totalement y échapper, y compris quand son
rôle dans la Résistance lui fera intégrer la communauté politique nationale. Comme pour un
individu, le rôle des premières années est déterminant, d'autant que l'espérance révolutionnaire de
base, même édulcorée, a perduré dans les imaginaires militants. En fin de compte, le
parti loir-et-chérien ne s'est jamais enraciné, même s'il a pu influencer le
comportement de ses partenaires et de ses adversaires: peut-être doit-il à cette
posture de refus radical initial, que nous allons voir, sa marginalité dans le
jeu politique démocratique ?
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